Jean-Marie Guyau

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Jean-Marie Guyau
Naissance
Décès
(à 33 ans)
Menton
Nationalité
Influencé par
A influencé
Conjoint
Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction (édition de 1909).
Tombe de Jean-Marie Guyau au cimetière du Trabuquet, à Menton (Alpes-Maritimes).

Jean-Marie Guyau, né à Laval le et mort à Menton le , est un philosophe et poète libertaire français. Il a parfois été considéré comme le « Nietzsche français ».

Biographie[modifier | modifier le code]

Jean-Marie Guyau est le fils d’Augustine Tuillerie, auteur du Tour de la France par deux enfants, publié en 1877 sous le pseudonyme de G. Bruno, en référence à Giordano Bruno, et remariée au philosophe Alfred Fouillée[1].

Passionné par la poésie et la philosophie, Guyau lit tous les grands textes, avec une préférence marquée pour Hugo, Corneille, Musset, Épictète, Platon, et Kant. Licencié ès-lettres à dix-sept ans, il traduit le Manuel d'Épictète. Il est conquis par le stoïcisme, qui inspire sa résistance souriante à la phtisie (tuberculose) qui devait l’emporter à l'âge de trente-trois ans.

A 19 ans, il rédige La morale utilitaire depuis Épicure jusqu’à l’école anglaise contemporaine, plus de 1000 pages sur l'épicurisme.

Il est vite séduit par les écrits de Herbert Spencer, notamment Data of Ethics (1879), dont il résume les lignes de force dans La Morale anglaise contemporaine. Enseignant au lycée Condorcet, il publie des ouvrages pédagogiques, puis, installé dans le Midi pour affronter les premières atteintes de sa maladie, de nombreux ouvrages philosophiques et des poésies.

Son œuvre majeure, Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction[2], profondément novatrice, semble avoir beaucoup impressionné Nietzsche qui avait abondamment couvert les ouvrages de Guyau de notes marginales durant son séjour à Nice[3]. Nietzsche commente et cite abondamment cette œuvre, ainsi que L'Irréligion de l'avenir, autre œuvre importante de Guyau, dans son Ecce homo[4]. Toutefois, les œuvres majeures de Nietzsche ont été rédigées avant la parution de l’Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction et on peut plutôt parler de communauté d'esprit sur certains aspects de leur pensée respective que d'inspiration. De la même manière, Henri Bergson, à lire Vladimir Jankélévitch, reprit en partie les intuitions de Guyau en ce qui concerne l'idée de vie. Pierre Kropotkine s'y réfère également dans La Morale anarchiste, allant même jusqu'à faire de Guyau le « jeune fondateur de l'éthique anarchiste », éthique qu'il définit comme « la science de la morale des sociétés »[5]. Guyau a également inspiré le penseur japonais matérialiste et athée Nakae Chômin[6]. Le philosophe espagnol José Ortega y Gasset le décrit comme « génial » et loue sa tentative innovante d'approche sociologique de l'art[7].

Son épouse a publié, sous le pseudonyme de Pierre Ulric, de brefs romans pour la jeunesse. Jean-Marie Guyau est le père du philosophe Augustin Guyau.

Œuvres[modifier | modifier le code]

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Livres scolaires
  • La première année de lecture courante : morale, connaissances usuelles, devoirs envers la patrie, Paris : A. Colin, 1875, in-16, 336 p. Partie du maître, Paris : A. Colin, 1880, in-18, 466 p.
  • L'Année enfantine de lecture,... Ouvrage composé conformément au nouveau programme de 1882 (cours élémentaire), Paris, A. Colin, 1883, in-18, 120 p.
  • L'Année préparatoire de lecture courante : morale, connaissances usuelles, Paris, A. Colin, 1884, in-18, 216 p.
  • Méthode Guyau. Lecture par l'écriture, Paris, A. Colin, 1893, 2 livrets in-8̊
Traductions
  • Cicéron, Des suprêmes biens et des suprêmes maux. Traduction Desmarais, revue avec introduction et notes, suivie d'éclaircissements relatifs à l'histoire de l'épicurisme, Paris, C. Delagrave, 1875, in-18, XXXII-400 p. Lire en ligne.
  • Manuel d'Épictète, traduction nouvelle, suivie d'extraits des ″Entretiens″ d'Épictète et des ″Pensées″ de Marc-Aurèle, avec une étude sur la philosophie d'Épictète, Paris, C. Delagrave, 1875, in-18, LXVI-211 p.
    • Traduction republiée par les éditions Mille et une nuits, coll. « La petite collection », 2005, 126 p., (ISBN 978-2842059033)
  • Cicéron, De finibus bonorum et malorum (livres I et II), avec introduction et notes par M. Guyau, Paris : C. Delagrave, 1876, in-18, XXXVI-150 p.
Articles, publiés dans la Revue philosophique de la France et de l’étranger (RPFE), Paris, F. Alcan
  • « L’hérédité morale et M. Spencer », RPFE, quatrième année, tome VII, janvier à , p. 308-315 ; texte sur Gallica
  • « De l’origine des religions », RPFE, quatrième année, tome VIII, juillet à , p. 561-584 ; texte sur Gallica
  • « La mémoire et le phonographe », RPFE, cinquième année, tome IX, janvier à , p. 317-322 ; texte sur Gallica
  • « Critique de l'idée de sanction », RPFE, huitième année, tome XV, janvier à , p. 243-281 ; texte sur Gallica
  • « L’Évolution de l’idée temps dans la conscience », RPFE, dixième année, tome XIX, janvier à , p. 353-368 ; texte sur Gallica

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Alfred Fouillée est l’auteur de Nietzsche et l’immoralisme, 1902.
  2. Traduit en allemand par l'ami de Nietzsche, Peter Gast, en 1909.
  3. Cf. P. Mauriès, Nietzsche à Nice, Gallimard, 2009.
  4. Voir Alfred Fouillée, Nietzsche et l’immoralisme, Livre troisième : Les jugements de Nietzsche sur Guyau d’après des documents inédits.
  5. Pierre Kropotkine, La Morale anarchiste, I.
  6. Eddy Dufourmont, Rousseau au Japon. Nakae Chômin et le républicanisme français (1874-1890), Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, , 257 p. (ISBN 979-1030002768)
  7. José Ortega y Gasset (trad. de l'espagnol), La Déshumanisation de l'art, Paris, Allia, , 96 p. (ISBN 979-10-304-1205-5, lire en ligne), p. 7

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Frank James Harding, Jean-Marie Guyau, 1854-1888 : Aesthetician and Sociologist. a Study of His Aesthetic Theory and Critical Practice, Droz, coll.Histoire des idées ().
  • Michael C. Behrent, Le débat Guyau-Durkheim sur la théorie sociologique de la religion, Archives de sciences sociales des religions n° 142, avr.-, p. 9-26.
  • Ilse Walther-Dulk, Materialen zur Philosophie und Ästhetik Jean-Marie Guyaus, Verlag die brigantine Hamburg, 1965.
  • Dirk Hoeges, Literatur und Evolution. Studien zur französischen Literaturkritik im 19. Jahrhundert. Taine - Brunetière - Hennequin - Guyau, Carl Winter Universitätsverlag, Heidelberg 1980 (ISBN 3-533-02857-7)
  • Marco Orru, « The Ethics of Anomie: Jean Marie Guyau and Emile Durkheim » in British Journal of Sociology, vol. 34, n° 4 (Dec., 1983), p. 499-518.
  • Annamaria Contini, Jean-Marie Guyau, Esthétique et philosophie de la vie, L'Harmattan, 1995.
  • Revue Sociétés no 58, 1997.
  • Jordi Riba, La Morale anomique de Jean-Marie Guyau, L'Harmattan, 1999.
  • Revue Corpus no 46, Jean-Marie Guyau philosophe de la vie, 2004.
  • Aurélien Fouillet, Introduction à la philosophie morale de Jean-Marie Guyau, étude sur l'« Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction », Master 1 soutenu en 2006 à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sous la direction d'Hélène Politis.
  • Philippe Saltel, La puissance de la vie, essai sur l'Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction de Jean-Marie Guyau, éditions Encres marine, 2008.
  • Josiah Royce, Studies of good and evil : a series of essays upon problems of philosophy and of life, New York et Londres, Appleton, 1915.
  • Ernst Bergmann, Die Philosophie Guyaus, Leipzig, Verlag von Dr. Werner Klinkhardt, 1912.
  • Alfred Fouillée, La morale, l'art et la religion d'après M. Guyau, Paris, F. Alcan, 1889.
  • Émile Boirac, « Guyau. La Morale anglaise contemporaine », Revue philosophique de la France et de l’étranger, Paris, Tome 7, , F. Alcan.
  • Émile Krantz, « M.Guyau. Vers d'un philosophe », Revue philosophique de la France et de l'étranger, Paris, Tome XII, , p. 650-653.
  • Émile Durkheim, « Analyse de l'Irréligion de l'avenir », Revue philosophique de la France et de l'étranger, 1887.
  • Vladimir Jankélévitch, « Deux philosophes de la vie : Bergson, Guyau » (1924), Premières et dernières pages, Paris, Seuil, p. 13-63 1994.
  • Jean-Claude Leroy, « Jean-Marie Guyau, précurseur de l'esthétique moderne », Semiosis, no 91-92, 1998.
  • Annamaria Contini, « Vitalité et socialité de l'art: l'esthétique de Guyau », Sociétés, no 58, 1997.
  • Jean-Marc Ramos, « La version temporaliste du philosophe-poète Jean-Marie Guyau : du temps de l'ordre à la poésie du temps », Sociétés, no 58, 1997/4, p. 57-68.
  • Jordi Riba, « La récupération de Guyau par la pensée morale contemporaine : défense de l'anomie », Sociétés, no 58, 1997.
  • Lucien Levy-Brulh, « À propos d'une étude sur Guyau, de Dauriac », Revue philosophique de la France et de l'étranger, 1892.
  • Ilse Walther-Dulk, « Sur Guyau et Nietzsche », Sociétés, no 58, 1997.
  • Ilse Walther-Dulk, " Proust, Guyau et la Poésie du Temps- Une recherche d'empreintes ", Weimar, VDG, 2005.
  • Ilse Walther-Dulk, " De Guyau à Proust - Essai sur l'actualité d'un philosophe oublié ", Weimar, VDG, 2007.
  • Hans Huguen Emane-Obame, La Distinction aristotélicienne άκολασίά-άκρασία et son rapport à la dualité amoralité-immoralité selon Jean-Marie Guyau, Mémoire de Master 2 Philosophie soutenu en à l'Université Lille 3-Charles de Gaulle, sous la direction de Frédéric Worms.
  • Michel Onfray, Jean-Marie Guyau et « La Jouissance Suprême ». In: idem: La construction du surhomme, Grasset, Paris 2013, p. 49-174.
  • Ilse Walther-Dulk, " Jean-Marie Guyau, Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction- Rekonstruktion der kritischen Lektüre von Fr. Nietzsche, Marginalienedition ", Weimar, VDG, 2012.
  • Alfred Fouillée, Jean-Marie Guyau, notice biblio- et biographique, in G. Walch, Poètes d’Hier et d’Aujourd’hui, supplément à l’Anthologie des Poètes français contemporains, Librairie Delagrave, 1916 ; texte sur wikisource.
  • Ilse Walther-Dulk, " Nietzsche, Onfray und der junge Guyau- Eine Berichtigung", VDG Weimar, 2015.
  • Laurent Muller, Jean-Marie Guyau ou l'éthique sans modèle, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d'Ascq, 2018.

Liens externes[modifier | modifier le code]